Risque de pénurie énergétique : comment l'Europe organise la résilience

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Publié le 04/05/2023

Dans le monde, l’Union européenne compte parmi les 3 plus gros consommateurs d’énergie, après la Chine et les Etats-Unis. Dans un contexte marqué par la lutte contre le réchauffement climatique, la crise russo-ukrainienne et les fluctuations haussières des prix de l’énergie, ses Etats membres se sont donc mis en ordre de marche pour accroître leur résilience.

Retour sur l’histoire du marché de l’énergie européen, sa carte d’identité énergétique hétérogène et les pistes à suivre pour surmonter les risques climatiques et économiques en jeu.

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La naissance d'un marché unifié

L’énergie a été un sujet de rapprochement des Etats européens dès les années 1950 à l’heure de la création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), avant même la naissance de la CEE puis de l’UE. C’est dire à quel point elle est déterminante d’un point de vue économique mais aussi géopolitique. Sans parler des enjeux climatiques apparus plus récemment mais éminemment cruciaux eux aussi.

Cependant ce n’est qu’à partir de la fin des années 1990 que les Etats de l’Union européennes sont entrés dans un processus d’unification du marché de l’énergie, lequel est aujourd’hui très avancé certes mais laisse leur souveraineté énergétique aux Etats. L’énergie est ainsi l’une des compétences partagées entre l’Union et les membres, au même titre que l’agriculture, les transports ou l’emploi. Cela veut donc dire que les traités qui unissent les 27 pays de l’UE protègent le droit de chaque membre à déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure de son approvisionnement.

Néanmoins quand l’UE choisit de légiférer sur le sujet, pour définir un objectif de production d’énergie renouvelable par exemple, les Etats doivent les intégrer en droit national.

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Consolidation du marché de l'énergie européen : les grandes étapes

1996 et 1998

Premier paquet « Energie » avec les premières directives de libéralisation sur l’électricité et le gaz. Les marchés nationaux s’ouvrent à la concurrence.

2003

Vote du deuxième paquet « Energie » grâce auquel les consommateurs industriels et particuliers sont libres de choisir leurs fournisseurs de gaz et d’électricité parmi la concurrence.

2009

Vote du troisième paquet « Energie » destiné à poursuivre la libéralisation du marché intérieur de l’électricité et du gaz et pierre angulaire de la mise en œuvre du marché intérieur de l’énergie. C’est sur cette base qu’en 2013, les orientations pour la mise en œuvre des priorités européennes en matière d’infrastructures énergétiques ont été fixées par le règlement (CE) N°347/2013. Ce texte encadre la sélection des projets d’intérêt commun nécessaires à la réalisation des infrastructures stratégiques transfrontalières.

2019

Adoption du quatrième paquet intitulé « « Energie propre pour tous les Européens », constitué de la directive électricité et de trois règlements, dont l’un acte la création d’une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER). Ces nouveaux textes introduisent notamment de nouvelles règles relatives au marché de l’électricité pour les énergies renouvelables, et imposent aux Etats membres la préparation de plans d’urgence pour faire face à de potentielles crises d’approvisionnement en électricité.

C’est dans le cadre du 4e paquet « Energie » qu’a ainsi été déployé le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), un programme de financement pour améliorer l’intégration du système énergétique et les réseaux transeuropéens. Par ce biais, l’Union européenne finance les corridors énergétiques sur le continent dans le cadre de projets d’intérêt commun (PIC).

2021

Le cinquième paquet «Énergie», intitulé «Ajustement à l’objectif 55 ou Fit for 55», a été publié le 14 juillet 2021 dans le but d’aligner les objectifs énergétiques de l’Union sur les nouvelles ambitions européennes en matière de climat : une réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.

En juin 2022, une feuille de route contenant 13 propositions législatives a ainsi été adoptée par le Conseil de l’Union européenne. Ces treize mesures juridiquement contraignantes (directives et règlements) concernent notamment la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, le renforcement du marché européen du carbone ou encore la fin de la vente des voitures thermiques pour 2035.

Néanmoins, à l’exception des trois règlements sur les transports, l’ensemble des propositions législatives du « Fit for 55 » font depuis l’objet de négociations jusqu’à une adoption formelle en 2024. A cet égard, les Etats membres se sont accordés le 30 mars 2023 sur l'objectif contraignant de 42,5 % de renouvelables dans la consommation européenne d'ici 2030, soit un quasi-doublement par rapport au niveau actuel d'environ 22 % (19 % en France).

bilan GES mondial

Qu'est-ce que le pacte vert de L'Union Européenne ? Il a pour objectif de faire de l'Europe le premier continent au monde à être neutre pour le climat.

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Un mix énergétique encore très fossile et dépendant de l’extérieur 

Largement consolidé en termes d’infrastructures, d’objectifs de production d’énergie décarbonée et d’efficacité énergétique, le paysage énergétique européen n’est pas pour autant indépendant d’approvisionnements extérieurs.

En 2021, l'UE produisait ainsi environ 44% de l’énergie qu’elle consommait et en importait 56%. Dans ces importations, les produits pétroliers et gaziers dominent. D’ailleurs ils constituent aussi la part la plus importante du mix énergétique de l’UE.

Ainsi, en 2021, le pétrole brut et produits pétroliers représentaient 34% de ce mix, le gaz naturel 23%, les énergies renouvelables 17%, l’énergie nucléaire 13% et les combustibles fossiles solides (le charbon en majorité) 12%.

Néanmoins, comme le rappelle l’institut Eurostat, « les parts des différentes sources d'énergie dans l'énergie brute disponible varient considérablement d'un État membre à l'autre. En 2021, la part des produits pétroliers dans l'énergie disponible était la plus élevée à Chypre (86%), à Malte (85%) et au Luxembourg (61%), tandis que le gaz naturel était une source d'énergie importante en Italie (40%), aux Pays-Bas (35%) et en Hongrie (34%). Les énergies renouvelables dominaient en Suède (48%) et au Danemark (41%), tandis que l'énergie nucléaire représentait 41 % de l'énergie disponible en France et 25 % en Suède. La part des combustibles fossiles solides était la plus élevée en Estonie (56%) et en Pologne (43%) ».

Reste que 70% de l’énergie disponible dans l’UE est d’origine fossile. Certes la part du pétrole, du gaz et du charbon a baissé de plus de 10% depuis 1990 et celle des renouvelables a augmenté, mais les enjeux climatiques, géopolitiques et économiques actuels exigent de réduire la dépendance des Etats et leur recours aux fossiles.

La tendance haussière inévitable des prix du pétrole ainsi que la crise d’approvisionnement et des prix du gaz et de l’électricité accentuée par le conflit russo-ukrainien en sont la preuve.

Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et à l’interruption complète de sa fourniture de gaz à l’Europe, l’Union a d’ailleurs décidé de s’atteler, avec son plan REPowerEU, à l’élimination progressive de toutes les importations de combustibles fossiles russes (gaz, pétrole et charbon) d’ici 2027. Un défi de taille quand on a à l’esprit que la Russie couvrait plus de 40% des importations européens de gaz naturel avant le déclenchement du conflit. Pour le relever, la stratégie de l’UE repose sur 4 piliers : économiser l’énergie via des mesures d’efficacité et de sobriété, promouvoir les énergies renouvelables, remplacer les énergies fossiles russes par d’autres hydrocarbures ou encore investir dans des infrastructures nouvelles, de type terminaux de gaz naturel liquéfié.

« On le voit bien, le sujet de la résilience est remis sur le devant de la scène à chaque fois qu’une crise met en exergue nos faiblesses sur un sujet. Et c’est l’énergie aujourd’hui. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, analyse Ignace de Francqueville, VP Energy Efficiency Services de METRON. Il y a eu les chocs pétroliers de 1973 et 1979, et celui, plus récent, de 2008. On a connu aussi des blackout. L’Italie notamment en 2004. Rappelons qu’elle est restée dans le noir pendant plusieurs jours à cause de problèmes techniques dans le système d’interconnexions européen cette fois. Et bien sûr, depuis une dizaine d’années, le risque climatique gagne de plus en plus le discours et les esprits. La combinaison de tout cela crée plus d’incertitudes et demande de mettre en œuvre des réponses qui nous permettent d’être à l’abri de coupures ou de pénurie d’énergie sans aggraver le réchauffement ».

Cela demande d’être en capacité de résister et de rebondir en cas de choc et dans le temps : c’est cela être résilient. Il faut donc activer tous les leviers à notre disposition.

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Coût énergétique : maîtrisez votre gestion dès l’achat

 

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Les 3 leviers indispensables de la résilience

Réduction de la dépendance énergétique

Clairement, oui ! Pour les gestionnaires immobiliers, se distinguer de leurs concurrents en refacturant au mieux leurs locataires devient un enjeu majeur. Pour le futur locataire en quête d’un local, la seule promesse d’une facture juste et fiable pèse lourd. Si l’on y ajoute la possibilité d’un suivi énergétique personnalisé et des pistes d’optimisation, l’argument devient massif !

Parmi les leviers à notre disposition, la réduction de la dépendance énergétique est évidemment primordiale. Ne plus dépendre d’un tiers ou moins en dépendre c’est se prémunir contre un arrêt d’approvisionnement, comme la Russie en a décidé pour son gaz à destination de l’UE.

« Cela veut dire être capable de varier nos approvisionnements comme a choisi de le faire l’UE avec le plan REPowerEU, explique Ignace de Francqueville. Et si on ajoute à cela la nécessité environnementale, c’est-à-dire celle de limiter fortement le recours à des sources d’énergie qui altèrent le climat, cela veut surtout dire qu’il faut augmenter significativement la part des énergies décarbonées dans les mix énergétiques, et ce d’autant qu’elles peuvent être produites localement ». 

Ici la décision politique est nécessaire. Et c’est bien ce qu’a entériné l’UE à travers ses trois derniers paquets « Energie », avec des directives comme RED I et RED II par exemple.

Optimisation des consommations

Ensuite, une autre solution pour annihiler ou limiter les impacts liés à de potentielles coupures ou pénuries d’énergie, mais aussi la dépendance de l’UE envers des tiers, est de réduire les consommations. Avoir besoin de moins d’énergie pour faire ce que l’on à faire : se chauffer, produire, se déplacer…

L’efficacité énergétique et la sobriété énergétique sont les deux pistes connues pour réduire nos consommations. C’est notamment le cœur de la directive européenne sur l’efficacité énergétique (Energy Efficiency Directive- EED) adoptée en 2012 puis amendée en 2018, et du récent plan REPowerEU, rappelle le VP Energy Efficiency Services de METRON. On réduit ainsi l’intensité énergétique, c’est-à-dire la quantité d’énergie nécessaire par valeur créée.

En matière de moindre dépendance énergétique et d’économies d’énergie, les décisions politiques sont donc indispensables pour donner des objectifs clairs et contraignants, et faire que les financements nécessaires soient disponibles.

Digitalisation

Mais elles sont insuffisantes. Car mettre en œuvre concrètement des actions d’efficacité énergétique, augmenter la part des énergies renouvelables, diversifier ses approvisionnements, demande de gérer un grand nombre d’informations complexes en temps réel. C’est-à-dire être en mesure à tout moment d’analyser et décider des meilleures actions pour répondre au mieux à un contexte changeant et pas toujours prévisible. Cette complexité touche toutes les organisations, entreprises, villes ou ménages et tous les secteurs d’activités. La résilience repose donc sur la gestion de systèmes complexes. Et cette complexité-là, pour être gérée et guider décisions et actions, passe par la digitalisation.

"La digitalisation est au cœur des leviers de résilience. Il ne faut pas juste aller implanter des éoliennes, des panneaux solaires, une installation de géothermie, des hydroliennes ou recourir à de la biomasse et de l’hydrogène vert. Ce n’est pas simple : pour gérer tout cela, on a besoin de systèmes qui tiennent compte de l’hétérogénéité de ces sources d’énergie (par leur nature, par leurs exigences de gestion…), de l’équilibre entre production et demande, des contraintes d’organisations d’importance vitale et autres industriels, des usages extrêmement variés… et pour faire cela, il ne faut pas seulement des ordinateurs. Il faut connecter des systèmes entre eux en temps réel, collecter et analyser des informations très dispersées, mission taillée sur-mesure pour les technologies d’intelligence artificielle et de cloud computing."

 

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Algorithmes prédictifs : un outil pour optimiser la consommation d'énergie

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Des leviers et un langage communs

Il est intéressant de noter que ces trois leviers à actionner pour être résilients sont déclinables à toutes les échelles. Ils ne s’appliquent pas seulement au cadre élargi de l’UE à 27, aux Etats ni même seulement aux régions.

Au sein des habitations, des usines, des fermes ou dans les communes, les besoins pour être résilients sont identiques : réduire sa dépendance et consommer moins. Et les leviers pour le faire le sont aussi : introduire des énergies renouvelables, diversifier les approvisionnements, réduire ses consommations en adoptant les éco-gestes, en réduisant les pertes et gaspillages, en améliorant les process, en investissant dans des machines et outils plus performants et pilotables, et mettre en place des outils de gestion digitaux permettant a minima d’avoir une connaissance en temps réel ou hebdomadaire de sa consommation.

Mais la digitalisation est aussi nécessaire pour piloter la distribution énergétique, et permettre par exemple à la boulangerie à côté de chez soi de consommer en journée l’électricité produite par les panneaux solaires de ma toiture alors que je suis au bureau. Il faut analyser aussi, afin d’aider à la prise de décisions. Surtout, le problème premier à résoudre grâce à la digitalisation c’est de rendre accessible la donnée énergétique et les informations associées (météo, productivité, usages…). C’est donc un chantier clé si on veut parler de résilience.

Si le sujet peut sembler lourd à aborder, il faut néanmoins avoir en tête que la majorité des acteurs, qu’ils soient décideurs, producteurs d’énergie ou experts en digitalisation ont acquis une maturité suffisante pour faire converger les luttes et donc les solutions. « Avant, chaque problématique – dépendance énergétique, changement climatique ou digitalisation - était traitée en silo et souvent au détriment d’une autre, résume Ignace de Francqueville. Mais ces dernières années, la notion d’approche transversale pour gérer la complexité des enjeux et systèmes s’est imposée. Résultat, cela simplifie la tâche car on trouve un langage commun. »

 

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CE QU’IL FAUT
RETENIR

Si le sujet peut sembler lourd à aborder, il faut néanmoins avoir en tête que la majorité des acteurs, qu’ils soient décideurs, producteurs d’énergie ou experts en digitalisation ont acquis une maturité suffisante pour faire converger les luttes et donc les solutions. Avant, chaque problématique – dépendance énergétique, changement climatique ou digitalisation - était traitée en silo et souvent au détriment d’une autre. Mais ces dernières années, la notion d’approche transversale pour gérer la complexité des enjeux et systèmes s’est imposée. Résultat, cela simplifie la tâche car on trouve un langage commun.

Pour en savoir plus sur vos besoins en digitalisation, notre solution et les moyens à votre portée pour gagner en résilience énergétique

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